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Les clochers de la Pentecôte
Les clochers de la Pentecôte

 

Louise-Caroline, Anne-Marguerite et Louise

En 1836, les nouvelles cloches de l'église Saint-Blaise de Bélâbre furent baptisées dans l'ancienne église. Elles avaient été confisquées et fondues lors de la Révolution. Louise-Caroline, la plus grosse mesure 1 mètre de diamètre et sonne le « Fa dièse », Anne-Marguerite, la moyenne, mesure 8O cm de diamètre et sonne le «La » et Louise, la plus petite, mesure 75 cm de diamètre et sonne le « Si ». Après la démolition de l'ancienne église, elles furent réinstallées dans la nouvelle église en 1861. Louise se fêla en sonnant et fut refondue et baptisée en 1892.

Comme toutes les cloches de France elles ont marqué la vie de tous les Bélabrais d'autrefois, du baptême à l'enterrement, en passant par les communions, confirmations et mariages.

 

La journée des cloches

Depuis 2015, le Conservatoire Européen des Cloches et Horloges a institué une journée qui leur est consacrée, la « Journée des Clochers » fixée au Lundi de Pentecôte. L'idée de ces journées est de sensibiliser la population autour de la sauvegarde d’un patrimoine habituellement caché au grand public. Ce jour-là, les clochers et campaniles sont ouverts au public et rappellent combien le son des cloches a rythmé la vie de nos aïeux. Nombre d'expressions françaises utilisent le mot cloche ou clocher : « deux sons de cloches, se taper la cloche, querelles de clochers, à la cloche de bois, quelque chose cloche, etc... », toutes locutions liant la vie des hommes à la vie des cloches. L'attachement aux cloches comme élément identitaire, de « l'esprit de clocher » au sens premier, cristallise les deux dimensions de l'institution ecclésiale à la fois autorité spirituelle et autorité temporelle et sociale. Il s'est manifesté notamment lors des mouvements d'opposition aux réquisitions de cloches pendant la période révolutionnaire et sous le Premier Empire ou encore lors des pillages de cloches lors de la Première et Deuxième guerre mondiale.

 

De la fonction des cloches

Les cloches sont bénites à leur naissance et on les baptise plus tard en leur donnant un prénom et une marraine. Les cloches existent depuis des temps immémoriaux et ont eu pour fonction première d’avoir un caractère religieux. Les cloches d’église ont joué un rôle très important autrefois et encore aujourd’hui. Elles rythment la vie quotidienne des habitants des villages avec les heures, l’angélus (matin, midi et soir), la messe dominicale, les baptêmes, mariages et enterrements.

Nos aïeux tenaient à leurs cloches qui avaient souvent été fondues sur la place du village et bénites lors d’une cérémonie solennelle et populaire. Dans son champ, le paysan était parfaitement informé de la vie de la communauté. De ce fait, quand des événements dangereux survenaient, les cloches les informaient grâce à un système d’alerte appelé le tocsin. En ces temps de célébrations du Centenaire de la Première Guerre Mondiale, il faut rappeler que ce sont les cloches qui l'ont annoncée en Août 1914. Ce sont elles qui, le 11 Novembre 1918, à 11 heures ont sonné à toute volée la fin de la guerre… Bien que nous ayons aujourd’hui d’autres systèmes de communication et d’alerte, les cloches tiennent toujours une place importante auprès des habitants.

La fonction des cloches a réglé la vie de tous les villages et villes en rythmant les heures, marquant les repas par la sonnerie de l' « Angelus » le matin puis à midi et 19H, 3 fois 3 coups tintés suivis d’une cloche à la volée qui rappelle la salutation de l’ange Gabriel à la Vierge Marie. Les cloches appelaient les fidèles à la messe et sonnaient « à la volée » les grandes fêtes : Toussaint, Noël, Rameaux, Pâques, Ascension, Pentecôte, Assomption. Elles sonnaient les baptêmes en carillon sur un tintement joyeux, sonnaient à la volée les mariages et tintaient lentement le glas pour les obsèques.

 

Il n'est pas de village sans clocher

La cloche est l’un des plus vieux instruments sonores que nous connaissions : elle est née probablement à l’époque où l’homme sut, par le feu, durcir l’argile et constituer ainsi un vase qui se révélera « sonore » en le percutant. Les premières cloches métalliques remontent à l’âge du bronze.

Pour ne remonter qu'à nos ancêtres, les Gaulois, ceux-ci utilisaient des cloches de bronze pour annoncer les fêtes ou des menaces dans leurs communautés. Les cloches ont été utilisées plus largement dans les églises chrétiennes dès le VIIe siècle et étaient le plus souvent fondues dans les monastères. Mais dès le VIIIe siècle il existe des fondeurs itinérants laïcs capables de fondre des cloches d'une centaine de kilos ou plus. Charlemagne ordonne en 801 des sonneries de cloches à certaines heures et en 817, au concile d'Aix-la-Chapelle, il fut décidé que les églises paroissiales devaient être équipées d'au moins deux cloches. Au Moyen-Age, on appelait « campanier » la personne qui annonçait les baptêmes sur la place principale du hameau ou précédait les convois funèbres en agitant une petite cloche ou clochette. La coutume de signaler le passage d'un cortège funèbre par ce campanier vêtu de noir, appelé familièrement le « clocheteur des trépassés », s'est conservée jusqu'au début du XXème siècle dans les campagnes, alors que dans les villes officiait plutôt le « crieur des morts ». Les derniers enfants de choeur de Bélâbre se rappellent bien du clocheteur que le convoi funèbre suivait avec le curé et les enfants de choeur dans la montée au cimetière surnommée « rue Monte au Ciel »...

Le patrimoine campanaire a été ensuite menacé à plusieurs reprises par la Révolution française et toutes les guerres qui s'ensuivirent. Pour convertir le bronze en monnaie, en 1791, ou en canons en 1793, plusieurs lois furent votées par les assemblées révolutionnaires. Le décret du 23 juillet 1793 ordonnait que « chaque commune a la faculté de conserver une cloche qui serve de timbre à son horloge » (cloche civique). Ce décret proclame la Patrie en danger et va justifier la récupération par les révolutionnaires des cloches afin d'en fondre le bronze pour le convertir en canons. Au total, cent mille cloches disparurent dans la tourmente révolutionnaire. Napoléon, pour les besoins de son immense armée, en fit aussi grande consommation. La cloche de Lignières dans le Cher a exceptionnellement échappé à ces mesures : fondue à Orléans pendant la Révolution en 1790, elle porte la mention « Vive la nation, vive le Roi » et des fleurs de lys...

Dès la date de la signature du Concordat, le 8 avril 1802, la reconstitution du patrimoine campanaire dans les édifices ouverts au culte se fit lentement. Le véritable repeuplement des clochers ne se fit cependant que sous le Second Empire et la IIIe République.

 

Le potin de la fabrication

Ce ne fut qu’à partir du XIIe siècle que les progrès en matière de conception et de technologie de la fonderie permirent la création de spécimens de grande taille associés généralement aux cathédrales. Ces cloches furent créées en faisant couler de l’airain, le seul alliage produisant des tonalités harmonieuses.

La fonte d'une cloche se fait à partir d'un moule dans lequel on verse un alliage appelé « airain ». La composition du métal a peu varié depuis la création des premières cloches par les Chinois il y a près de 4000 ans. En effet, il convient de trouver un alliage de différents métaux qui offre à la fois une résistance mécanique suffisante pour supporter la frappe répétitive du battant ou d’un marteau et une qualité musicale satisfaisante tant en matière de portée sonore qu’en matière de durée des vibrations. L'alliage traditionnellement utilisé en France pour la fonte de cloches est appelé familièrement « potin » par les fondeurs ;de ce mot évoquant le vacarme d'une fonderie vient l'expression « faire du potin ». Le potin est une combinaison de cuivre et d'étain, la bonne proportion utilisée pour la fabrication de l’airain étant de 78 % de cuivre et de 22 % d'étain.

 

 

Le pouvoir des cloches

Selon les anciens, les sonneries de cloches éloigneraient la foudre et la grêle. Les agriculteurs utilisaient les sonneries de cloches afin d'éloigner les orages, briser les coups de grêle et donc protéger les hommes, les bêtes et les récoltes. La cloche porte encore le nom de « sauveterre » dans certaines régions, en référence à cet usage ancien. Un autre pouvoir des cloches était celui supposé de permettre la délivrance plus rapide des parturientes. Faire sonner les cloches devait faciliter l'accouchement et l'usage était de lier la ceinture de la femme enceinte à une cloche de l'église paroissiale et d'en sonner trois coups. ..

A Bélâbre, Louise-Caroline et ses sœurs furent-elles fondues à La Forge ? ou sur la place de l'église appelée place Saint Sylvain ? La chronique locale ne le dit pas …

 

Sources : « L'art campanaire, son histoire et ses rapports avec la société aux différents âges» Firmin-Didot & Cie, «  Paysage sonore et culture sensible dans les campagnes au XIXe siècle » Alain Corbin, « Le carillon des origines à nos jours »‎ Jacqueline Goguet.

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