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Confinés... mais pas reclus!
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2020 : Confinés … mais pas reclus!

Les reclus du Cimetière des Innocents à Paris

Jusqu'au XVIème siècle ce cimetière était jonché de tant d’ossements de trépassés, traînant dans tous les coins, que les plus miséreux ne se gênaient pas pour en ramasser quelques fagots afin d’alimenter leur maigre feu en combustible. En effet, le cimetière des Saints-Innocents était une gigantesque nécropole, lieu de sépulture de plus d’une vingtaine de paroisses parisiennes ainsi que de l’Hôtel-Dieu et de plusieurs prisons. Autant dire qu’il y avait beaucoup de monde et, si certains personnages fortunés s’étaient payé le luxe d’une sépulture individuelle, dans un cercueil, la plupart des dépouilles étaient enveloppées d’un simple linceul et entassées dans différentes fosses communes ; d’immenses trous creusés dans la terre qui restaient à ciel ouvert tant qu’ils ne débordaient pas… Des fosses qui pouvaient contenir jusqu’à mille cadavres.

Un encombrement funèbre
Mais au fil des siècles, avec les nombreuses épidémies et l’augmentation de la population au sein de la capitale, le cimetière vint à déborder. Alors, dès le XIVe siècle, pour pallier le manque de place et pouvoir continuer d’accueillir les nouveaux trépassés, on fit construire quatre galeries à arcades qui partaient de l’église et bordaient les côtés du cimetière. Ces arcades, sous lesquelles étaient installées quelques tombes de riches défunts et diverses échoppes, étaient surmontées de charniers portant le nom de « pourrissoirs ». C’étaient des sortes de greniers à pans ouverts et couverts d’un toit de tuiles où étaient entassés des ossements qu’on extrayait régulièrement des fosses communes pour les désengorger. L’air libre accélérait le dessèchement des os qui retournaient plus rapidement à la poussière. Ainsi, le cimetière des Saints-Innocents s’apparentait à un immense terrain vague enclos de charniers et rempli de fosses, où se détachaient çà et là quelques croix, stèles et dalles marquant les tombes de défunts plus fortunés. Malgré les odeurs et l'environnement lugubre des lieux, les promeneurs étaient nombreux, outre les mendiants qui côtoyaient les vendeurs à la sauvette et les dévots qui venaient enterrer leurs morts ou écouter les prêches des prédicateurs lors des grandes cérémonies. Le cimetière des Innocents abritait aussi de curieuses résidentes permanentes : les recluses.

Des Recluses aux Misérables
Parmi les édifices du cimetière des Saints-Innocents, il existait deux petites loges exiguës accolées à la chapelle et portant le nom de reclusoirs. Durant des siècles, des femmes y ont vécu confinées dans cet étroit réduit, enfermées vivantes à perpétuité. Dans le roman de Victor Hugo, Notre-Dame-de-Paris, l'auteur évoque une recluse médiévale, « squelette vivant pourrissant dans son reclusoir, qui dormait dans la cendre, sans même avoir une pierre pour oreiller, vêtue d’un sac noir, et ne vivant que de ce que la piété des passants déposait de pain et d’eau sur le rebord de sa lucarne ». Quelles étaient les sources de Victor Hugo décrivant l' histoire de ces emmurées vivantes ?

Confinement volontaire
Si, dans les premiers temps, les reclus étaient principalement des hommes issus d’ordres religieux, à partir du XIe siècle la réclusion était devenue un phénomène majoritairement féminin. Il s’agissait bien souvent de femmes pieuses ayant décidé de poursuivre leur pèlerinage de vie terrestre dans l’isolement et la solitude, isolées du monde. Après avoir fait le vœu de clôture perpétuelle, elles étaient emmurées dans leur petite cellule grise pour le restant de leurs jours. À partir de ce moment, elles étaient considérées comme «mortes au monde » et vivaient dans l’ascèse et la pénitence en vue du salut de leur âme. Lors d’un rituel d’emmurement solennel en présence de l’évêque, après une messe de Requiem, la recluse était conduite en procession vers sa dernière demeure. Là, après avoir reçu l’extrême-onction, la recluse pénétrait dans le reclusoir qui était soigneusement muré derrière elle. Une fois murée dans son tombeau, dans la pénombre de ses quatre murs, sa mission était de prier pour la communauté et pour la cité dont les reclus étaient les protecteurs spirituels. Depuis sa cellule, la recluse pouvait aussi prodiguer de sages conseils et consoler les malheureux par le biais d'une minuscule fenêtre. En contrepartie de ses prières, elle était nourrie par les habitants de la ville qui déposaient régulièrement quelque nourriture sur sa fenestrelle.

Des recluses populaires
Dès le XIe siècle, un peu partout en France et dans tout l’Occident de nombreux reclusoirs furent bâtis. Ils étaient généralement associés aux églises, aux murs d’enceinte, aux ponts, aux établissements hospitaliers ou encore aux léproseries. Ces reclusoirs étaient dotés de deux minces ouvertures, l’une donnant sur l’intérieur de l’église afin que la recluse puisse écouter les offices et apercevoir l’autel (l’hagioscope) et la seconde, donnant sur le cimetière et permettant de recevoir les vivres apportés par les paroissiens charitables.
Plusieurs femmes se succédèrent ainsi dans le reclusoir des Innocents, dont Alix la Bourgotte, la plus célèbre. Cette religieuse de l’hôpital Sainte-Catherine ayant aspiré à la vie de recluse y mourut en 1466 après y être restée enfermée durant quarante-six ans selon l’inscription figurant sur son épitaphe. À sa mort, pour saluer une telle constance et une si grande piété, le roi Louis XI lui fit ériger un tombeau de marbre orné d’une statue de bronze à l’intérieur de l’église des Saints-Innocents. A leur mort, ces recluses populaires et vénérées avaient droit à des funérailles grandioses. Dès qu’une occupante succombait, laissant vacant son reclusoir, de nombreuses postulantes se présentaient. Au XVe siècle le déclin de cette pratique commença puis elle disparut totalement au XVIe siècle.

Ce n'est qu'à la fin du XVIIIème siècle que, par souci de salubrité publique, le cimetière des Innocents fut détruit, comme la majorité des cimetières parisiens, et les ossements furent déposés dans les « catacombes » de Paris créées pour l’occasion.

Sources :
- Paulette L'Hermite-Leclercq, historienne
-«Perceval et la recluse » BM de DIJON

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