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Au jardin de la Margot
Au jardin de la Margot
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Au jardin de la Margot

Au jardin de la Margot

« Avec les hirondelles reviennent parfois les romanichels », se rappelle la Margot.

« C'était un printemps qui avait mis sens dessus dessous tout Rocheblond. Un soir était arrivées trois roulottes comme on les voyait passer parfois dès la fin de l'hiver, des romanichels qui s'installaient dans le pré proche du pont, au bord de l'Anglin. Quand les enfants en haillons étaient venus jusqu'aux premières maisons avec des paniers à vendre, ma grand-mère et ses voisines regardant vers le pont avaient commencé à commenter par des: « Ben les v'là qui v'nons ! » et « Comben qui sont'is ?... ». Méfiantes et inquiètes pour la volaille qu'elles avaient rentrée plus tôt ce soir là, elles houspillaient les enfants pour les faire rentrer avant que le soir ne tombe en leur disant: «Ta ti fermé l'barriot?».

Le lendemain matin, un romanichel était passé de maison en maison demandant à nos m'mans si elles avaient besoin de regarnir leur penti. Ah! Ces pentis de notre enfance, ces doux matelas de plumes qui trônaient sur les lits... Comme tous les enfants, j'aimais m'y nicher, y sauter et y retomber en faisant gonfler les plumes! Grand-Mère s'en agaçait me disant «Mais tu vas ti arrêter, tu m’envournes! », mais je recommençais dès qu'elle avait le dos tourné. Ce matin-là, le romanichel à la grosse moustache noire avait inquiété chaque maisonnée en disant aux femmes qu'une épidémie de vers attaquait les pentis. Il proposait de les regarnir dans la journée, le temps de la halte de leurs roulottes à Rocheblond.

Chez nous, Grand-Mère lui avait affirmé haut et fort qu'elle n'avait point de « bestiaux » dans son penti et point besoin de regarnissage de plumes. Devant le sourire narquois du bonhomme, elle était aller chercher son penti et le brandissait fièrement devant lui en tapotant le rebondi de plumes. Comme pour en évaluer la qualité, l'homme passa alors sa main par dessous le plumon et la plongeant dans l'ouverture de la taie s'exclama de surprise en ramenant sa main sous les yeux de Grand-Mère qui découvrit alors avec horreur deux gros vers blancs se tortillant dans sa grande main noirâtre. S'affalant sur une chaise toute proche, Grand-Mère se tenait la poitrine de ses deux mains, suffoquée de dégoût et d'incompréhension. Comme l'homme lui proposait de lui vider l'édredon pour le regarnir, anéantie de stupeur elle accepta. A midi, toutes les maisonnées de Rocheblond avaient remis leurs pentis aux romanichels qui, au bas du pré de l'Anglin, s'activaient dans un nuage de plumes observés de loin par la marmaille apeurée du village. Au soir, une fois les pentis revenus sur les lits et les romanichels vivement repartis, les m'mans s'étaient retrouvées devant le « 20 sans 0 » pour évoquer cette épidémie de vers blancs dans les pentis qui leur avaient coûté une grosse pièce de 100 sous pour un plumon remis à neuf. C'est alors que le Père Bobiet qui trinquait avec le maréchal-ferrant s'était esclaffé de rire en racontant qu'elles avaient toutes été roulées par ces romanichels qui opéraient ainsi de village en village, des gros vers blancs cachés dans les poches de leurs pantalons pour « abeurdir les patronnes ». Une fois récoltés tous les pentis, les femmes du campement faisaient volter les plumes de poules chapardées dans la nuit et ramenaient au soir au village les pentis soit-disant regarnis...

Grand-Mère ne décolérait pas de s'être ainsi laissée berner bougonnant toute la soirée : «C'est ti pas de la tortuserie ça! C'est ti pas de la tortuserie ça! C'est ti pas de la tortuserie ça! ...». Ne pouvant se calmer, afin de trouver enfin le sommeil elle se fit une pleine casserole de tisane de mélisse dont le parfum citronné envahit la maison. »

 

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Qui n'a pas dans son jardin un pied de mélisse bien difficile à contenir ? Au printemps, elle surabonde et colonise les plate-bandes dans des exhalaisons de vapeur citronnée dès que le soleil chauffe.
Appelée aussi : citronnelle, céline, piment des ruches, thé de France, piment des abeilles ou herbe au citron, son nom nous vient du grec "melissophullon" qui signifie "feuille à abeilles".

La mélisse jouit d'une grande réputation depuis l'Antiquité où le médecin grec Hippocrate la recommandait pour soulager les troubles digestifs mais ce sont les médecins arabes qui vont découvrir la plupart des propriétés médicinales de la mélisse, en particulier sur l’humeur, qu'on appellerait de nos jours le « stress ». Avicenne, médecin perse du 11ème siècle disait de la mélisse qu'elle « est propre à relever les forces, ranimer le courage, faire renaître la gaîté, chasser les soucis et dissiper l’anxiété ». Enfin, le naturaliste Pline l’ancien exaltait la mélisse qui « si on en frotte les ruches, empêche les abeilles de fuir : il n’est, en effet, point de fleur qu’elles aiment mieux ». La mélisse s'appelait alors melissophyllon, la « feuille à l’abeille ».

Au Moyen-Age, on jonchait les sols en pierre des châteaux de brassées de mélisse, autant pour son odeur agréable que pour éloigner les insectes. On retrouve la mélisse dans la composition des liqueurs créées dans les monastères français comme la Bénédictine, la Chartreuse ou encore l’Eau de mélisse des Carmes, créée en 1611 par les religieux des Carmes à Paris et médicament favori du Cardinal de Richelieu. Depuis, de nombreuses études ont été faites, et en 1978, les propriétés antivirales de la plante ont été reconnues dont son efficacité particulière sur le virus de l'herpès.

Margot a bien sûr sa recette culinaire avec la mélisse de son jardin : les suprêmes de poulet à la mélisse. Pour cette recette rapide, goûteuse et parfumée, elle met des filets de poulets à revenir dans une poêle avec deux cuillers d'huile d'olive. Après cuisson des suprêmes, elle rajoute des gousses d'ail effilées, une pointe de piment doux, du sel et une ou deux poignées de mélisse. Pour finir, elle déglace sa poêle avec un jus de citron, un régal!

Pour se rafraîchir en été, voici une recette avec de la mélisse : faire bouillir un litre d'eau et y plonger deux belles poignées de mélisse puis arrêter le feu et couvrir la casserole pour laisser infuser. Puis, filtrer cette préparation dans un tamis recouvert d'une feuille d'essuie-tout pour rendre le liquide limpide. Enfin, presser un citron ou une orange et ajouter ce jus à la boisson avant de le mettre au frais.

En ces temps d'anxiété, de nervosité et de difficulté à s'endormir, une bonne tisane de mélisse, ou cette eau de mélisse au citron rafraîchissante, sera souveraine pour ramener la sérénité.

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